Point Lecture : Nous les filles de nulle part d'Amy Reed
Autrice : Amy Reed
Traduction : Valérie Le Plouhinec
Année de parution : 2018
Edition : Albin Michel
Résumé : A destinataires cachés / De : LesFillesdeNullePart. Chères amies, Vous en avez marre ? Vous avez peur ? Vous en avez marre d'avoir peur ? Vous êtes en COLÈRE ? On sait ce qu'ils ont fait. Spencer Klimpt, Eric Jordan et Ennis Calhoun. On sait qu'ils ont violé Lucy. On sait qu'ils ont fait du mal à d'autres, probablement beaucoup d'entre nous. On sait qu'ils recommenceront. Vous êtes prêtes à agir ? A ne plus vous taire ? Rejoignez-nous. Ensemble nous sommes plus fortes qu'eux. Nous ne nous tairons plus. Nous les filles de Nulle Part.
Bonjour à toutes et à tous ! (les plus attentifs d'entre vous auront constaté un changement de police par rapport à mes articles précédents...)
La
chronique d’aujourd’hui mentionne un nouveau coup de cœur !
Parfois j’ai l’impression qu’avec les livres je n’ai pas de
demi-mesure, soit j’adore soit c’est une déception. Ce livre-ci
c’était une claque.
Je
suis féministe, et je me sens concernée par les luttes sociales
d’une manière globale, mais c’est le premier livre vraiment
féministe et engagé que je lis (je sais, il faut que je me rattrape).
Mon avis :
Pour
moi, ce livre est réussi en tous points. Nous allons suivre
l’histoire de plusieurs jeunes filles qui prennent la décision de
monter une sorte de groupe secret (« les Filles de Nulle Part ») pour lutter contre les violences sexuelles qui règnent
dans leur lycée.
J’ai
beaucoup aimé la forme. L’autrice a fait le choix de nous parler
de plusieurs filles, il n’y a pas qu’un seul point de vu. Cela
donnait l’avantage selon moi, d’avoir vraiment l’impression
d’entendre parler un groupe de filles, avec leurs différences. La
puissance de livre réside à mon avis dans sa représentativité
globale des filles. Nous avons des filles racisisées, des filles
riches, des filles pauvres, des catholiques, des moins catholiques, des rondes, des maigres, une autiste Asperger…
Nous voyons qu’en fonction de ces différences, la manière dont
elles vont subir certaines choses ne sont pas les mêmes.
L’autrice montre bien aussi que le mouvement des Filles de Nulle Part ne
parvient pas toujours à inclure tout le monde. Des filles ne se
sentent pas concernées, pas admises, elles ont l’impression de ne
pas avoir « ce droit » parce qu’elles ne sont pas
blanches, parce que leur vie est faite de souffrance, parce qu’elles
sont catégorisées comme "putes"…
Spoiler:
Le
livre m’a touché par le réalisme dont il faisait preuve. Même au
sein du mouvement des filles, nous voyons bien au début qu’il y a
des soucis. Les filles se critiquent entre elles, se traitent
d’allumeuses etc, jusqu’à parvenir à une sorte d’unité,
jusqu’à comprendre que ce sont leurs différents (pour des
histoires de mecs) qui les séparent. Dans la vie de tous les jours,
qu’on soit en France ou aux Etats-Unis, c’est pareil !
Combien de fois j’ai entendu « je ne traîne pas avec les
filles, parce que les filles c’est chiant, elles se font des coups
de putes, etc... ». Les personnes qui disent ça ne se rendent
pas compte à quel point elles jouent le jeu du patriarcat (et je l'ai dit aussi...). Elles n'y peuvent rien, je ne les blâme pas, mais ce qui est dingue, c'est qu'elles sont souvent opposés au patriarcat et ne se rendent pas compte que, finalement, leurs dires ne vont pas en leur faveur. Girls power les meufs ! Je vous mettrai des liens de vidéos qui traitent de ce sujet, pour celles
et ceux que ça intéressent. La vidéo de Caro : La semaine anti-sexiste : le sexisme intériorisé. / La vidéo d'Antitésie : Ces filles qui n'aiment pas les filles
Le
réalisme est partout dans ce livre. Dans la manière dont les
garçons traitent les filles, dans la manière dont elles ne sont pas
prises au sérieux, dans la manière dont leur proviseure, pourtant
femme, s’oppose à elles (parce que oui, il n’y a pas que les
hommes qui soient « machos »), dans la manière dont on
détourne le problème, dans la manière dont on veut les faire taire : le groupe féministe l’ennemi, les
garçons les victimes. Tout est dit dans ce livre. C’est un miroir
de notre réalité.
A
titre personnel, quand j’étais au lycée, je n’ai pas connu les
violences qui sont racontées dans cette histoire. Mais j’ignore
quel a été le vécu des autres. Mon collège en revanche, était
profondément sexiste, j’ai expérimenté beaucoup de sexisme
ordinaire, et des agressions « mineures » (avec des gros
guillemets) comme je l’ai déjà mentionné en partie dans mon
podcast sur le célibat (lien ici).
Ce
livre a fait naître en moi une sensation de révolte. J’avais
tellement envie d’aller « niquer des pères » ! Il
y a vraiment des passages extrêmement frustrants, où on a envie
d’être là, où on a envie de hurler. Rien qu’à écrire cette
chronique je ressens l’émotion qui monte.
En
plus de ça, j’ai trouvé les personnages géniaux. Les trois
filles principales : Grace, Erin et Rosina étaient extrêmement
touchantes. Je sentais leurs colères, leurs souffrances. Une chose
est certaine, je ne me suis pas sentie autant en colère depuis la série 13
reasons why (surtout la saison 2 qui traite en profondeur le procès et le sujet des viols).
Pour
moi, ce livre est d’utilité publique. Il est à mettre entre
toutes les mains. Il est à faire étudier à l’école. C’est un
support d’analyse dans la réflexion sur le patriarcat, le
féminisme, le genre, le sexisme, la culture du viol…
Malheureusement,
c’est bien le genre de livre qui ne sera jamais lu par les machos
(ton oncle Dédé qui fait des blagues sexistes aux repas de famille et qui a commencé à te regarder bizarrement à partir de tes 11 ans),
par les masculinistes (YouTube regorge de vidéos masculinistes, ce
qu’ils racontent donne tellement envie de vomir qu’ils
possèdent le fabuleux pouvoir de vous rendre immédiatement
féministe) et les anti-féministes (vous savez, ceux qui disent
« féminazies » en confondant « les gens qui ont des
problèmes » et les « féministes »).
Cependant,
bien qu’un livre ne puisse pas changer le monde, j’ai quand même
bon espoir. Les mentalités évoluent et ça fait du bien. Il faut
continuer de se battre au quotidien.
Conclusion : à lire ABSOLUMENT.
Ma
note sur livraddict : 20/20
Lisa
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