Point lecture : ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une






Auteure : Raphaëlle Giordano (France)

Édition de mon exemplaire : Édito (Ebook)

Date de parution : 2015

Résumé : « Camille, trente-huit ans et quart, a tout, semble-t-il, pour être heureuse. Alors pourquoi a-t-elle l'impression que le bonheur lui a glissé entre les doigts ? Tout ce qu'elle veut, c'est retrouver le chemin de la joie et de l'épanouissement. Quand Claude, routinologue, lui propose un accompagnement original pour l'y aider, elle n'hésite pas longtemps: elle fonce. À travers des expériences étonnantes, créatives et riches de sens, elle va, pas à pas, transformer sa vie et repartir à la conquête de ses rêves... »








Mon avis (pas tellement positif) :

J’ai lu ce livre pour le bookclub de décembre sur livraddict, sinon, je ne l’aurais jamais ouvert. Le phénomène qu’il a suscité m’a laissé indifférente, et il ne m’a jamais tenté. J’ai donc abordé ce livre avec scepticisme, et malheureusement, mon scepticisme s’est avéré justifié.

Tout d’abord, abordons le sujet central de ce roman : le développement personnel. Si vous souhaitez lire une vraie histoire, un vrai roman, passez votre chemin. Ce livre ressemble beaucoup plus à du développement personnel, qui s’essaye en roman pour être plus digestif, mais c’est tout ! En revanche si vous voulez commencer à vous intéresser au développement personnel, ce livre pourrait vous convenir. En effet, si vous êtes comme moi, déjà pas mal rodé en terme de développement personnel (voir en psychologie, tout simplement), je pense que ce livre ne va pas aborder grand chose de plus que ce que vous savez déjà. Je le recommanderais donc plutôt pour les "débutants", comme une sorte d'introduction au développement personnel. Les notions de bases en développement personnel sont abordées, et c'est une bonne entrée en la matière.

A présent venons-en à notre personnage principal (et là, je vais être un peu plus "cassante"): Camille. Je n’ai pas du tout réussi à m’identifier à elle. Pour cause, je l’ai trouvée carrément gnangnan !
Par ailleurs, ce qui me gêne le plus dans ce roman, c’est la vitesse avec laquelle le changement s’est opéré chez elle ! Elle est d’une réceptivité ! Ouah ! C’est surréaliste ! Vraiment, c’est surréaliste. J’ai trouvé que cette histoire était complètement déconnectée de la réalité. Au final, Claude, son coach-routinologue, n’arrête pas de lui répéter que le changement ne sera pas facile, et blablabla, bah en fait… si. Tout est facile dans ce roman. Peut-être que Camille galère à certains instants, quand elle se lance à son compte. Mais d’une manière générale, j’ai trouvé qu’elle avait quand même beaucoup de chance. En effet, dès qu’un problème survient, elle appelle Claude, et hop Claude va lui donner une solution. 
De plus, elle réussit du premier coup à monter son business, ce qui, dans la vie réelle est peu probable (pour quelqu’un qui s’est fait refouler à son entrée en Master 2, on ne me le fait pas, j’ai perdu mes illusions de la même façon que j’ai arrêté de croire au père Noël). Après, je ne sais pas, peut-être qu’elle galère… Mais si c’est le cas, on ne le voit pas. Et cela me gêne, parce que ça envoie un mauvais message sur la réalité de la vie. Bien évidemment, il ne faut pas être pessimiste non plus, mais croire qu’on peut réussir aussi vite et aussi facilement que Camille le fait, c’est un leurre. Vous réussirez oui, peut-être, mais vous allez en chier (pardon pour le vocabulaire, mais je pense qu'il n'y a pas de mot plus adapté). Cependant, on ne vous dit jamais que vous allez en chier. Alors quand ça arrive, c’est un peu la panique, et vous risquerez sans doute de vous dire que vous n’êtes pas normal. Alors que si. J’aurais aimé que ce roman illustre beaucoup plus les échecs de Camille, son parcours du combattant pour monter son projet, et qu’elle se prenne des bûches dans la tronche (parce que c’est ce qui arrive chez les gens normaux, et pas juste une histoire de refus des banques…). Mais que malgré toutes ces bûches (oui c'est bientôt Noël faut rester dans le thème), elle n’abandonne pas et elle réussit. Ça, ça aurait été intéressant, et beaucoup plus réaliste. A la place non, nous avons : bienvenue à bisounours land ! Ah oui, et puis, le coup de son collègue désagréable qui devient subitement gentil… Dans le monde de Camille "tout le monde il est gentil et tout le monde il est content !".

Maintenant, est-ce que j’en parle ou pas ? Des détections de sexisme implicite / culture du viol, qu’à fait mon radar de féministe ? (Ohlala, il y a beaucoup trop de mots qui font peur dans cette phrase).
Oui, allez, j’en parle. J’en ai principalement noté deux :

Le premier, c’est au chapitre 13, quand Camille se dispute avec son mari alors qu’il vient de rentrer du boulot. A ce moment, elle est en train de jongler entre la cuisine et les devoirs de son fils. Camille travaille à temps-partiel certes, mais elle travaille quand même. Elle rentre du boulot, s’occupe de la cuisine (d’ailleurs, c’est toujours elle tout au long du roman), et des devoirs de son fils. Dans ce contexte, un partage des tâches équitable avec son compagnon, serait de rigueur, mais ce n’est visiblement pas le cas. Son mari arrive, il râle parce que la salle de bain est en bazar, parce qu’il y a des miettes sur le canapé alors… qu’il ne fout rien ! Une dispute éclate. Camille en a marre de tout faire dans la maison (normal), et comme la dispute est violente, elle appelle Claude (Claude ange-gardien)

A ce moment là, j’ai trouvé que la réponse de Claude était nulle. Il va faire comprendre à Camille qu’elle a projeté ses pensées négatives sur la dispute. J’ai eu le sentiment que Claude remettait en question la légitimité externe de la plainte de Camille. En l’occurrence, son mari se comporte mal, c’est un fait, ce n’est pas une interprétation effectuée par Camille à cause d'un filtre négatif ! J’ai trouvé que la réponse du routinologue était hors sujet. Certes, face à ce genre de situation, Camille a le pouvoir de réagir autrement, ça, c’est ce qu’il lui fait comprendre et c’est très bien. Cependant, quand Camille réagit en disant qu’elle a l’impression que dans ce genre de situation son mari ne l’aime plus, j’ai trouvé que c'était assez légitime, compte tenu de son comportement. J’aurais aimé que Claude prenne cette légitimité en considération, avant de ramener immédiatement Camille à son filtre négatif et à son apparence physique. Oui, à son apparence physique, il lui dit : « en ce moment vous êtes complexée par vos kilos en trop, vous vous trouvez moins jolie, et vous projetez sur votre mari votre peur de ne plus être aimable », j’ai trouvé ça bof. Sexiste. Sexiste, parce que, la capacité de Camille à être aimable est ramenée à son physique, uniquement à son physique. Au final, le routinologue sait effectivement que Camille traverse une période de complexes physiques, mais il ne peut pas vraiment savoir que sa crainte de perdre son mari est uniquement liée à son apparence ! Pour le coup, selon moi, c’est lui qui projette la cause des craintes de Camille (son physique, alors qu’elle ne le dit pas). Il nous offre alors du sexisme intériorisé et inconscient. Puisqu’en effet, dans notre société, l’importance de l’apparence des femmes prédomine sur celle des hommes. Les injonctions à se « conserver » à « faire des efforts » pour continuer à plaire à son conjoint, sont alors plus fortes, pour les femmes qui vieillissent, que pour les hommes, que l’on aurait tendance à trouver plus sexy et virils avec des cheveux grisonnants !
Lors de cette scène Camille valide effectivement les dires de Claude, car oui, Camille aussi a du sexisme intériorisé, comme ce que j’ai pu relever dans le second passage qui m’a agacé. 

Ce second passage est plus diffus : on le retrouve à plusieurs moments dans l’histoire. Il s’agit de la validation des hommes sur son physique. Camille qui est « tellement plus jolie » quand elle sourit, Camille, qui sourit aux hommes dans la rue, qui est contente parce qu’elle se fait draguer, même siffler à un moment (mais whaaaat ?) Camille qui, du coup, se dit qu’elle a confiance en elle grâce à ça et gnagnagni et gnagnagna. J’ai eu envie de la prendre, par les épaules, de la secouer et de lui dire : « meuf, t’as besoin d’être considérée comme un objet qu’on a envie de sauter pour avoir confiance en toi ? ». Il est vrai, que certaines femmes peuvent aimer qu'on les regarde. Tant mieux pour vous. Cela dit, mesdames, vous n’avez pas besoin du regard des hommes pour vous sentir fortes. Vous êtes fortes. Point. On programme les filles depuis l'enfance à exister pour plaire aux garçons et aux hommes, alors qu'elles sont déjà des humains complets et accomplis même sans ça. Ce qui m’a le plus gêné là-dedans, c’est l’association : « on me drague, donc j’ai confiance. » Ça peut avoir l’air de rien comme ça, mais ça véhicule le message qu’une femme doit être reconnaissante d’être draguée et sifflée. Et si elle peut être reconnaissante d’être draguée ou sifflée, elle pourrait aussi être reconnaissante qu’on lui mette une main aux fesses, ça signifie qu’elle est désirable ; ou qu’on veule la violer, ça signifie aussi qu’elle est désirable… Bref, vous avez compris, c'est de la culture du viol bien intériorisée. 

Pour conclure :
Un livre qui se lit tout de même vite et bien. Il peut convenir à des personnes qui aimeraient lire du développement personnel sous forme de roman (et pas l’inverse!). Les conseils que donnent Claude sont assez bons.
Cependant, ce livre regorge aussi de défauts qui m’ont fait froncer le nez. Le personnage de Camille est assez candide dans un monde qui visiblement, n’est pas le même que le mien ! Et non, n’en déplaise à Claude, je n’écris pas ça à cause d’un potentiel filtre négatif déformant.

Ma note sur livraddict : 9/20

Lisa







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