Point lecture trilogie : Les Chroniques du Monde Emergé Tome 1, 2 et 3
Auteur : Licia Troisi
Traducteur : Agathe
Sanz
Éditions : Pocket
Jeunesse
Années
de parution de la version originale (Italien) : 2004-2005
Années
de parution de la version française : 2008-2009
L'histoire
de base :
On
va suivre les aventures de Nihal une
jeune femme au physique étrange (elle a les cheveux bleus, les yeux
violets et des oreilles en pointes.), douée
pour le combat. Depuis, plusieurs années, un magicien
maléfique, nommé le Tyran,
a envahi une grande partie du Monde
Émergé et son territoire ne cesse de croître. Les
terres libres luttent contre les armées du Tyran et
la jeune Nihal va
comprendre que sa destinée se trouve dans les rangs guerriers.
Pourtant, accéder au combat pour la jeune femme qu’elle est ne
sera pas aisé, en effet, dans la tête des individus, les
femmes ne se battent pas. Elle devra donc faire preuve de plus de
force et de détermination que ses collègues masculins pour
s’imposer dans l’armée. Dans ses aventures, elle sera
accompagnée de plusieurs compagnons, dont le plus important, son ami
de longue date : Sennar, un
magicien qui a environ le même âge qu’elle (à 2 ou 3 ans près).
Au programme : magie,
dragons, quête de soi, guerres, sacrifices, amitiés et amour.
Un cocktail assez riche.
Mon
avis général sur la trilogie
L’histoire
est notamment portée par l’opposition « amour-haine ».
La haine conduisant à se battre pour les mauvaises raisons et
l’amour pour les bonnes. Nihal,
d’abord motivée par une haine vengeresse va apprendre qu’elle
doit se battre pour préserver la
vie et non pas pour la destruction
du mal. J’ai apprécié cette morale
développée au cours de tous les tomes. En effet, cette
dernière peut se transposer aux conflits actuels dans le monde ainsi
qu’à nos guerres passées.
Le
message autour de l’ambivalence
humaine est aussi appréciable selon moi. D’ailleurs,
nous pouvons noter que le fonctionnement des personnages principaux
et secondaires, tourne constamment autour de ça. Ceux qui
apparaissent bienveillants ont aussi leur part
d’ombre, et ceux qui
apparaissent malveillants, ou du moins peu agréables se révèlent
parfois sous de meilleurs jours. Dans le cas contraire, je n’apprécie
pas les histoires où les personnages sont irréprochables, ça me
paraît trop improbable. De plus, il est vrai que l’on peut
avoir tendance à oublier, peut-être à cause de nos mécanismes de
défenses, que n’importe qui peut devenir violent et commettre
des actes atroces. Il suffit d’un peu de manipulation, d’une
haine entretenue, d’une accentuation des différences entre les
deux clans, une déshumanisation, et d’un désir de vengeance.
En
lien avec cela, j’ai aussi apprécié le fait que le « méchant »
ne soit pas juste une sorte de Sauron (en référence
au Seigneur des Anneaux). Son
histoire est complexe, et le parcours de vie qui l’amène
à ce rôle de Tyran nous fait presque ressentir une
certaine empathie à
son égard.
Enfin,
autre sujet, les dénonciations du
sexisme dont Nihal fait les frais m’ont plut aussi. À ce
propos, je crois que c’est la première fois que je lie un livre
d’heroic-fantasy écrit par une femme. Je ne doute pas
qu’il en existe sûrement pleins, mais pour le coup, il me semble
que c’est le seul à m’être passé entre les mains.
-
Au niveau du scénario et des personnages :
Le
scénario est
cohérent, j’ai accroché rapidement. Il
est suffisamment accessible (trilogie destinée à la jeunesse, je le
rappelle) tout en étant suffisamment recherché à mon goût.
Je
me suis attachée aux
personnages, j’ai
apprécié leurs complexités et les subtilités de leurs
personnalités. J’ai
trop souvent lus des livres où les personnages étaient fades, cela
faisait que j’abandonnais ma lecture ou lorsqu’il s’agissait
d’une saga, je ne lisais pas les tomes suivants. Mention
spéciale pour
mon personnage coup
de cœur : Laïo. Avec
ce dernier, l’auteure permet de mettre en avant un certain sexisme
qui s’opère aussi envers les hommes. En
effet, Laïo ne
correspond pas à cet idéal stéréotypé d’homme fort et
puissant, et cela va lui apporter quelques soucis… J’ai toujours
ressenti une profonde affection envers les personnages masculins
plus sensibles et doux comme
lui, que ça soit dans les livres, les films, séries, ou
même... dans la vraie vie. D’ailleurs, note à part, je
n’affectionne pas trop les gars « badass », mystérieux,
forts, machin truc bidule, qu’on nous décrit bien trop souvent
dans les livres à l’eau de rose pour adolescentes. Ouais, vous
l’aurez compris, Edward
Cullen ce
n’est
pas trop mon style, Christian
Grey… encore
moins, ils me
font tous les deux carrément
flipper. Je préfère Clay
Jensen ou Charlie dans le
Monde de Charlie.
-
Au niveau du style rédactionnel :
Le
style est basique, parfaitement
adapté à ce genre de récit où selon moi, le
scénario prime sur la stylistique. C’est
le genre de roman que je vais lire pour l’histoire, pas pour
sa prose. Le narrateur est à la troisième
personne du singulier et
plusieurs points de vue sont abordés, bien que ça soit celui
de Nihal qui
prédomine.
Conclusion : je
n’ai pas de critiques négatives à faire sur cette trilogie. Sans
être un coup de cœur, j’ai passé un agréable moment lecture.
C’est un livre que je recommande pour les amateurs
d’heroic-fantasy jeunesse et qui apprécient les
héroïnes avec un fort caractère…
Pour
aller plus loin...
Présentation
de chacun des tomes avec plus de précisions
Ceux
qui ont l'intention de lire cette trilogie et qui préfèrent en
savoir le moins possible, je vous conseille d'arrêter votre lecture
ici. Cependant, je précise qu'il n’y a pas de spoils sur
l’intrigue principale ni sur les péripéties de l’histoire, cela
dit, je relève certains éléments saillants, selon mon point de
vue, donc si vous préférez ne pas les savoir évitez de lire ce
qu’il y a ci-dessous.
-
Le Tome 1 : Nihal de la Terre du Vent.
Résumé
sur la quatrième de couverture :
« Nihal
est une jeune fille très étrange : oreilles pointues, cheveux
bleus, yeux violets tout la distingue des autres habitants du Monde
émergé. Fille d'un célèbre armurier, elle passe son temps à
jouer à la guerre avec une bande de garçons. Mais la nuit, des voix
plaintives et des images de mort hantent l'esprit de Nihal. Et
lorsque le terrible Tyran envahit La Terre du Vent, elle comprend que
ses cauchemars sont devenus réalité. L'heure du véritable combat a
sonné. Nihal doit devenir une vraie guerrière et défendre la paix,
à tout prix. Ses seuls alliés: Sennar, le jeune magicien, et une
infaillible épée de cristal noir ».
Ce Tome
1 se centre particulièrement sur le questionnement
et la construction identitaire de Nihal,
ainsi que de son ami : Sennar (bien
que ce dernier soit plutôt absent dans ce premier Tome
comparativement aux deux suivants). En effet, l’histoire commence
quand nos deux héros ne sont que de jeunes
adolescents. Nihal va
devoir trouver sa voie et se faire une place dans le
monde des guerriers : l’ordre des Chevaliers du
Dragon, uniquement
composé d’hommes. Sennar, quant
à lui doit se faire une place dans le
cercle fermé des magiciens. Dans
ce Tome 1 le premier « combat » de Nihal sera de
lutter contre la discrimination dont elle fait les frais, d’une
part parce qu’elle est une
femme (je pense qu’on peut
parler de sexisme) et d’autre part, parce qu’elle
est physiquement très
différente (et là je pense
qu’on peut parler de racisme). L’auteure soulève alors
les questionnements autour de cette apparence si particulière et si
unique ; ainsi que ceux auxquels Nihal est sujette
concernant la manière dont elle aimerait à la fois concilier
sa féminité
et son âme de guerrière. En
effet, ces deux choses ne semblent pas entrer en adéquation
dans cet environnement clivé. Du côté de Sennar, bien
qu’on en sache moins, il sera plutôt victime de son jeune
âge et
devra à plusieurs moments, faire preuve de détermination pour
qu’on le prenne au sérieux.
J’écrirai
que d’une manière générale ce Tome met en avant le fait
de grandir
et les désillusions, la
perte d’innocence, que cela peut apporter. En effet, l’ambiance
est radicale entre les premiers chapitres où l’on nous décrit
une Nihal
jeune, en train de jouer à
la guerre avec ses camarades, et ce qu’il se passe ensuite. En
effet, un événement clé va tout déclencher et
contraindre Nihal à grandir
subitement. Cela dit, le
message positif véhiculé
par l’auteure est que malgré ces difficultés nos deux
héros ne baissent pas les bras, et font tout
pour atteindre leurs objectifs.
Autre élément thème,
ce livre pose les bases du questionnement autour du sens
du combat. En
effet, Nihal possède
un côté « vengeur » et c’est une jeune femme qui
reste rongée par la haine. Cette
caractéristique va l’amener à
faire plusieurs « bêtises », et
pourrait peut-être en agacer certain(e)s. Quoi qu’il en soit,
l’auteure nous amène, à travers l’apprentissage de Nihal, à
nous questionner sur la
pertinence de cette haine. Serait-elle
un bon moteur ?
-
Le Tome 2 : La Mission de Sennar
Résumé
sur la quatrième de couverture : « Convaincu
que le Monde Émergé ne peut plus
résister seul
aux armées du tyran, Sennar le magicien supplie le Conseil des Mages
de le laisser partir à la recherche du Monde Submergé. Là, il
pourra obtenir l'aide de ses habitants. Or ce continent a rompu tout
contact avec le Monde Émergé depuis plus d'un siècle. Et Sennar ne
dispose pour s'y rendre que d'une ancienne carte à demi effacée par
le temps... De son côté Nihal, la jeune guerrière aux cheveux
bleus, poursuit son apprentissage de chevalier du dragon. Mais le
souvenir de Sennar, qu'elle a blessé au visage lors de leur dernière
entrevue, la hante douloureusement... »
Le
Tome 2 fait office de transition. Il tourne
autour de la thématique de l’équilibre
précaire de la paix. Sennar est
beaucoup plus présent dans ce tome-ci et l’auteure alterne les
chapitres entre l’histoire de Nihal et
celle de Sennar. Cela
peut provoquer un effet agréablement frustrant,
lorsque l’on est coupé dans des moments de suspens pour rejoindre
le point de vue d’un autre personnage. Personnellement, cela me
poussait à lire toujours plus et je ne lâchai plus le roman. Je
crois que c’est d’ailleurs celui de la trilogie que
j’ai lu
le plus rapidement. Sennar est
chargé d’une mission
dangereuse (voir
suicidaire). Lors de cette dernière, il va
se rendre compte que la paix est
difficile à maintenir. En
effet, même dans certains endroits qui se veulent épargnés par les
guerres, une autre forme de
violence peut naître, ainsi qu’une
certaine forme d’oppression. Le jeune magicien va dans ce contexte,
remettre en question sa vision binaire du bien et du mal. Le bien
étant initialement incarné par les habitants du monde Émergé et
le mal par le Tyran et son armée.
De
son côté Nihal achève
sa formation.
Cependant, d’un point de vue spirituel, elle
demeure encore en errance et
cherche le sens de son existence ainsi que de ce pourquoi elle se
bat. C’est seulement à la fin du tome que l’on va apprendre
qu’elle a un rôle
bien particulier à jouer dans
cette guerre. À cet
instant, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec
Frodon dans le Seigneur
des Anneaux.
La fin du Tome 2 laisse donc présager un schéma que l’on trouve
assez classiquement dans les livres Heroic-fantasy de
ce style : un héros sur lequel repose le destin d’une
terre. Et c’est un fardeau qui
va peser plutôt lourd sur les épaules de Nihal.
-
Le Tome 3 : Le Talisman du Pouvoir
Résumé
sur la quatrième de couverture : « Grâce
à son armée de fantômes, le Tyran est sur le point de remporter
définitivement la guerre contre les Terres libres. Seule Nihal peut
encore l'arrêter. Pour cela, elle doit partir à la recherche des
huit pierres d'un mystérieux talisman, dispersées sur les huit
Terres du Monde Émergé. Escortée par Sennar, la demi-elfe se lance
à corps perdu dans l'aventure. La route est longue, les épreuves
nombreuses et elle doit affronter une nouvelle fois la douleur et la
mort. Mais, au terme de l'aventure, elle découvrira enfin le sens
caché de son destin. »
« La
quête et la révélation » telle est
la façon dont je pourrais rebaptiser ce tome 3. Ce dernier livre
alterne entre le point de vue du maître d’armes de Nihal : Ido,
qui se bat sur le champ de bataille
avec son armée contre
celle, destructrice du Tyran ;
et la quête de Nihal dans
laquelle Sennar l’accompagne.
La situation est désespérée et Nihal accepte bien
malgré elle son destin. En effet, ce choix ne lui plaît pas, et
elle aimerait de tout son cœur qu’il en soit autrement. À certains
moments de l’histoire, nous la verrons d’ailleurs se
questionner, et
être tentée d’emprunter un chemin différent. Cependant,
elle finira par comprendre que pour atteindre l’idéal qu’elle
souhaite, elle est obligée de passer par cette quête.
Les
premiers tomes en avaient fourni les bases, maintenant celui-ci
insiste particulièrement sur plusieurs thèmes en
nous fournissant les réponses : le
sens de se battre,
l’opposition
amour-haine,
l’ambivalence
humaine et le
défit complexe qu’est celui de maintenir
la paix dans
un monde d’humains. On découvre ainsi que le « méchant »
n’est pas uniquement méchant parce qu’il est méchant, mais que
la réalité est plus complexe. La guerre et la violence quant à
elles sont des caractéristiques
inhérentes à l’Homme, tout comme l’amour. D’ailleurs,
l’histoire nous fait passer le message, que c’est en tournant le
dos à l’amour, ou quand l’amour nous tourne le dos, qu’alors,
la partie sombre de l’être humain prend toute sa place. En effet,
d’un point de vue psychologique, ce dernier Tome pourrait
parfaitement nous illustrer comment n’importe qui peut devenir
psychopathe. Le Tyran est
un être rempli de souffrances passées, et il raisonne
avec une froide
logique. Il
s’agit de cette logique, privée de toutes émotions, qui nous
empêche de voir la différence entre le bien et le mal.
Lisa
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