Ecrit n°1 : Le champ




 Il commence à faire froid. Une légère brise fait soulever le duvet de mes avants-bras. Elle me caresse, me frôle. Mes cheveux virevoltent, me viennent parfois dans les yeux. Je les repousse. Le soleil se couche. J'admire le ciel, ses couleurs. Ce que je vois ressemble à un tableau, mélange de tons pastels. Il y a des teintes de rose, des nuances de bleu. Je pourrais en pleurer tellement c'est beau. Sous mes pieds, je soulève la poussière, je dérange les fourmis. Autour de moi, j'attire les moucherons par ma chaleur. Il n'y a aucun bruit, juste mes pas sur le sable. Le chemin du champ. Mon champ. Même si c'est un abus de langage. Il ne m'appartient pas, mais il se trouve derrière la maison de mes parents. Ce soir, je m'y promène.
Ce champ a tout contenu. Il sait tout de moi. Il m'écoute silencieusement. Mes larmes ont fait des traces dans sa poussière, mes baskets : des empreintes. Ce soir, je pense à toi. Mon champ te connaît bien. Il sait que si je suis là c'est parce que j'ai l'impression d'exploser à l'intérieur. Il me faut un espace plus grand. Ma peine est lourde. Cependant, sur ce chemin de poussière dorée : elle vole. Se disperse sans restriction. Elle s'échappe de mon être et flotte dans la brise. Si tu tends l'oreille, tu l'entendras peut-être te dire que tu me manques.
Je me suis assise sur un coin d'herbe. Au loin, en face, se dresse un petit lieu-dit entre deux collines. Je pense à la comté du Seigneur des Anneaux. Juste un instant, cela me fait sourire.
Sous la lumière tamisée du couché du soleil, j'ai l'impression d'être dans un rêve.

Ma mélancolie résonne en ce lieu, elle me chuchote que je n'y arriverais jamais. Ta présence plane autour de mon être. Elle m'enveloppe le corps. Je n'ai qu'à fermer les yeux pour retrouver la sensation de chaleur dans mon bas ventre. Lorsque je les rouvre, il n'y a que le vent. Je frissonne. Je me demande ce qu'il y a de pire que l'absence.
Je caresse le sable, l'herbe, les cailloux. J'ai envie de me coucher par terre, même si la surface en est hostile. J'aimerais que l'on m'étreigne pendant que je replierais mes jambes sur ma poitrine.
Tout à une fin. Je mentirais si je dirais que je ne le l'ai pas vu venir. L'heure d'un renouveau est proche. C'est comme sauter dans le vide. Sans harnais.
Personne ne sait. Le champ écoute. Il ne me répondra rien, mais ne me jugera pas. On dit que tout passe, avec quelqu'un d'autre. Pourtant là, je suis persuadée que d'amour on meurt. Peut-être as-tu tué quelque chose. Un ancien bout de moi. Il s'est craquelé, fendu, puis il a explosé. Était-ce mon cœur ? Ma foi ? Ma naïveté ? J'ai l'impression d'être abîmée.

Dans le champ, je suis une ombre à présent. Le soleil disparaît. Les teintes du ciel sont plus foncées. Je les trouve toujours aussi belles. Sans doute n'ai-je pas envie de rentrer. D'être frappée par ma réalité. Parce que c'est ce qu'elle fait toujours. Elle m'attaque en pleine figure. Elle est décevante. Elle ne va pas comme je voudrais. Elle ne s'écrit pas aussi simplement que j'invente. Je rebrousse chemin quand même. Lorsque je regarde en arrière, l'obscurité tombe. Le champ s’endort, et moi aussi, bientôt.
                                    
                                                                                               Lisa

                                                                                                                                             Originalement écrit le 27/08/2017



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