Ecrit n° 7 : Confinement
Confinement. D’après le
dictionnaire, confinement renvoie à se confiner qui signifie
« s’obliger à rester dans un espace restreint ».
Confinement. Lorsque ce mot est
devenu ma réalité ce fut étrange. Difficile à décrire. Même
encore aujourd’hui, alors que j’en suis à 10 jours à l’heure
où j’écris. Officiellement, c’est un peu moins. C’est plutôt
8. Mais je me suis confinée avant. Poussée par mes angoisses
d’hypocondriaque, qui, pour une fois, s’avèrent utiles.
C’est une réalité étrange.
Une réalité qui concerne une grosse partie du monde. Je dis « une
grosse partie » parce qu’il y en a tout une autre partie qui est soit, non concernée, soit, elle n’a pas le privilège de ce
confinement.
Moi je fais partie des
privilégiés. Mais pas le grade premium non plus, parce que je vis
en appartement, en ville, et que je n’ai ni jardin, ni résidence
secondaire.
Depuis janvier, j’avais
soigneusement évité d’être trop attentive à ce qu’il se
passait en Chine. Je vous l’ai dit, j’ai des angoisses
hypocondriaques. La menace d’une pandémie n’était pas
souhaitable. Alors j’ai cessé de regarder ce qu’il se passait
là-bas. J’ai aussi cessé de regarder ce qu’il se passait en
Italie. De toute manière, je ne pouvais pas y faire grand chose.
J’ai continué d’aller en cours, et de me laver les mains
souvent, comme une hypocondriaque qui n’a pourtant jamais acheté
de solution hydroalcoolique (une touche de résistance à mes tocs).
Lorsque l’annonce du président
a été faite de fermer les écoles et les universités, je faisais
la vaisselle. Peut-être même que je chantais une chanson de Taylor
Swift. J’avais bien d’autres préoccupations. Celles de finir mon
semestre, cette vaisselle, faire des soirées, réussir mon stage,
avoir une vie sexuelle épanouie, recevoir le dernier Animal
Crossing sur Switch (oui ce jeu est aussi viral que le covid-19).
Quand mon copain a débarqué et
a dit « t’es en vacances ! » je l’ai regardé,
abasourdie. Il m’aurait dit : « il y a des poules roses
dans la rue », j’aurais eu la même réaction. Je ne le
croyais pas. J’ai interrompu la vaisselle, et la chanson de Taylor
Swift. J’ai vu le président sur l’écran de l’ordinateur, sur
une plateforme de live. Je me suis assise par terre. Ça me
paraissait irréel. Je n’étais pas en vacances bien sûr, mes
cours se feraient à la maison. Le changement serait perturbant. Pas
pour mes cours, c’était un avantage, mais pour le reste non. Je
n’étais pas prête à cette annonce. Je ne m’étais pas rendue
compte que l’on été arrivés à ce point là. Alors j’ai eu
peur. Je n’ai pas pris la nouvelle positivement. Je ne l’ai pas
prise comme une opportunité de me recentrer sur moi-même et de
libérer mes chakras à coup de méditation pleine conscience face au
sud (c’est la faute à mercure rétrograde). J’ai une part de
moi, un peu spirituelle quand même, mais là ce n’était pas le
moment. J’ai eu peur et j’étais choquée. Même si c’est vrai
que j’ai une tendance à la dramatisation, alors le niveau du
« choc » se débloque facilement.
J’ai eu peur d’abord pour mes
activités quotidiennes. Mon stage, et mes partiels. Je me suis
demandée qu’elle organisation serait mise en place et j’ai eu
peur du « bordel » que ça serait.
Ensuite, j’ai eu peur pour le
reste. Pour mes parents plus vieux, plus en danger que moi face à ce
virus et contraints de faire leurs jobs essentiels au pays, même
après l’annonce du confinement, 4 jours plus tard. Plus
généralement j’ai eu peur pour toutes les personnes de plus de 50
ans de ma famille. Et il y en a beaucoup.
Puis, j’ai eu peur du
comportement des gens. Plus que du virus. Les razzias dans les
magasins, les mouvements de panique. Et enfin, j’ai eu peur des
conséquences, de l’après. Il peut s’agir de conséquences
positives. On peut dire ce qu’on veut, le virus est bénéfique
pour la planète, c’est un fait. Dans ma rue, j’entends les
oiseaux chanter alors que je vis en ville, et les pics de pollution
chutent là où le confinement s’est installé. Cependant, j’ai
peur quand même, de ce que ce changement va engendrer. Peur de la
manière dont il sera appréhendé, par les gens, par nous, par nos
dirigeants. Mais j’ai aussi peur que tout redevienne comme avant.
Comme si nous n’avions rien appris. Le changement est effrayant
mais son absence serait pire. Dans tous les cas, un seul mot guette
mes pensées : peur.
Aujourd’hui, je ne pense plus
aux conséquences sur mes activités quotidiennes. Face à ce qu'il se
passe, mes premières préoccupations me paraissent bien futiles.
Maintenant, j’ai l’impression d’être dans un film
post-apocalyptique (ou « pré » ça dépend du point de
vu). Je sais, j’exagère. Laissez-moi exagérer. Nous sommes
tellement privilégiés au quotidien que ce qu'il se passe là, c’est
quand même un peu dingue. Mais oui, je le reconnais tout de même,
ce n’est pas aussi dingue qu’une invasion extraterrestre ou la
troisième guerre mondiale. Lorsque je suis sortie faire le tour de
mon pâté de maisons, dans les rues désertes (elles ne le sont pas
toutes), j’entendais des bouts de cartons abandonnés sur le
trottoir glisser sur le bitume, portés par le vent. Là, ça faisait
post-apo.
Et puis il y a les réseaux
sociaux. Les fake news et les messages anxiogènes. Qui sont utiles
pour celleux qui n’ont pas encore compris les enjeux du
confinement. Mais pas pour les hypocondriaques. Après avoir lu un
extrait de BD partagé sur Facebook d’une illustratrice qui avait
eu le virus (et qui racontait à quel point c’était horrible,
alors que pourtant, elle était jeune), j’ai ressenti une douleur
dans ma cage thoracique. A l’heure où j’écris, je la ressens
encore. J’ai l’impression que mes poumons sont à l’étroit
dans mes cotes. Même si je n’en mourrais pas (probablement), je ne
veux pas l’avoir. Je ne veux pas ressentir ça pendant une période
si longue. Personne n’en aurait envie. Je prends ma température
tous les jours (comme si ça pouvait changer quelque chose), et quand
je tousse, j’imagine une sirène d’alerte qui s’enclenche au
sein de mon organisme.
Et puis, il y a mes autres
angoisses aussi. Celles de développer d’autres pathologies, mais
qu’à cause de l’hôpital surbooké, je ne puisse pas être
soignée. En tête de liste il y a : faire un AVC, ou une crise
cardiaque. J’ai pourtant 23 ans, pas de cholestérol, et pas de
surpoids. La seule chose qui risque de faire une crise ici c’est ma
santé mentale. D’ailleurs, c’est peut-être déjà un peu le
cas.
Il est quand même « marrant » de constater que l’interdiction donne
profondément envie de faire ce qui est proscrit. Je ne suis pas du genre
extravertie toujours fourrée chez des potes ou à boire des verres
dans les bars. Je suis plutôt casanière et solitaire. Or là, j’ai
eu profondément envie de faire tout le contraire : voir plein
de monde. Fort heureusement, nous sommes en 2020 et on a des webcams.
J’ai la chance de ne pas être seule et d’avoir pu télécharger
Animal Crossing.
Lorsque je réfléchis à ce
confinement (et ça va mieux depuis que j’ai désinstallé Facebook
de mon téléphone) j’ai l’impression que ce n’est pas réel.
J’éprouve parfois de la difficulté à continuer de faire mes
activités qui faisaient partie de ma vie « d’avant ».
Comme si ce n’était pas cohérent avec le contexte. Comme s’il
fallait remplacer ses activités de la vie "d’avant" par de
nouvelles.
J’aimerais conclure ce texte
par une note optimiste. Non pas que je trouve qu’il soit
particulièrement triste. C’est un ressenti à un instant T et je
pense qu’il est justifié. Ce que nous vivons m’apparaît comme
une parenthèse surréaliste. Une transition. Tout ce que je peux
espérer c’est qu’il en ressorte quelque chose de bien.
Lisa-Lou
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